El tema central de este Blog es LA FILOSOFÍA DE LA CABAÑA y/o EL REGRESO A LA NATURALEZA o sobre la construcción de un "paradiso perduto" y encontrar un lugar en él. La experiencia de la quietud silenciosa en la contemplación y la conexión entre el corazón y la tierra. La cabaña como objeto y método de pensamiento. Una cabaña para aprender a vivir de nuevo, y como ejemplo de que otras maneras de vivir son posibles sobre la tierra.

domingo, 1 de diciembre de 2019

La maison, la cabane de Marguerite Duras



« C'est dans une maison qu'on est seul. »
Marguerite Duras, Ecrire.

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Marguerite Duras (date inconnue)

Marguerite Duras (date inconnue)


Marguerite Duras est au piano[1]. Elle est dans une maison de campagne. Sa maison de Neauphle-le-Château. Une demeure joliment meublé qu’elle a acquise grâce aux droits cinématographiques de son roman Un barrage contre le Pacifique. Elle répond aux questions de Yann Andréa. Elle parle de l’écriture. Elle veut parler de ça : Ecrire. Un entretien qui trouve une résonance dans un livre publié au même titre[2].
marguerite duras,neauphle-le-château,michelle porte,benoit jacquot,yann andréa,éditions des femmesDans ce lieu calme et tranquille, les confidences de l’écrivain, visant à parler de l’écriture, vont, au final, mettre en lumière la question de sa solitude. Voilà ce que j’aimerais montrer, mais voilà surtout ce que cet entretien va essentiellement découvrir. Ecrire est toute la vie de Duras. Ne faire rien d’autre qu’écrire, tel que lui conseilla Raymond Queneau. Ç’a été la seule chose qui a peuplé sa vie. Comme si autour, les êtres, ou les choses ne pouvaient entrer en contact, et briser cette immense solitude.
Il y a pourtant, au centre du livre, cette histoire de mouche qui meurt. Peut-être parce que à l’inverse du reste des hommes ou des choses, Duras a pu aller à la rencontre de cette mouche. Dans la dépense de la « petite maison ». Duras attend Michelle Porte qui doit faire un film sur elle. Duras reste souvent seule dans ces « endroits calmes et vides ». Elle attend. Elle attend que Michelle vienne. Et, subitement, elle surprend un mouche, cet insecte que l’on nous a appris à haïr, se débattre contre la mort. Duras va rester plusieurs minutes, une bonne quinzaine, à observer, dans une posture proche du pire des voyeurismes, la vie d’une mouche s’arrêter. « Ma présence faisait cette mort plus atroce encore. Je le savais et je suis restée. Pour voir. Voir comment cette mort progressivement envahirait la mouche. Et aussi essayer de voir d’où surgissait cette mort. Du dehors, ou de l’épaisseur du mur, ou du sol. De quelle nuit elle venait, de la terre ou du ciel, des forêts proches, ou d’un néant encore innommable, très proche peut-être, de moi peut-être qui essayais de retrouver les trajets de la mouche en train de passer dans l’éternité. »[3] Duras vient de parler, avec une profondeur saisissante, de la solitude, l’ultime solitude de l’écrivain, de son acte même d’écrire, impudique par essence, se couchant, étalant ses plus intimes blessures sur le papier, glacé, livré aux regards, à la vindicte peut-être même, des autres. Voilà toute la solitude de Duras exprimée dans cet acte affligeant d’un voyeurisme ordinaire. C’est la solitude d’une vie. Celle d’une mort. Celle de l’écrivain. Et en cela, je peux comprendre. Je peux comprendre, par exemple lorsque cette solitude doit faire corps avec l'écrivain, pour que dans ses silences, il puisse faire corps avec le monde. C’est en cela que la solitude de Duras est tragique. Elle se confond avec la solitude de l’écriture dans son essence même. Aucun écrivain ne va à la rencontre de sa solitude. Il la fait. Il la fait d’abord en s’enfermant dans son propre monde. Ensuite, dans sa propre musique. Seul avec « ses règles d’or, élémentaires : l’orthographe, le sens »[4]. Mais aussi avec la mort. Il y a comme quelque chose de la vie que l’on fige dans l’écriture et de la mort à laquelle on tente sans espoir de trêve de se soustraire. Probablement est-ce pourquoi de l’écriture, il n’en faut jamais parler. Comme si l'écriture ne pouvait représenter qu'une sensation d'incompréhension, de désarroi, d'insoumission. Comme si écrire faisait mal à l'autre. « Comme j’écrivais, il fallait éviter de parler des livres. Les hommes ne le supportent pas : une femme qui écrit. C’est cruel pour l’homme. C’est difficile pour tous. Sauf pour Robert A. »[5] Sûrement est-ce là la faute à ce que peut représenter l'écriture pour ceux qui ne savent pas, qui ne peuvent pas écrire. Celle de pouvoir, par les mots, assumer sa condition humaine.

Manuscrit de Lol V. Stein (1964)
Mais écrire ne se choisit pas. D’abord parce que l’écriture installe toujours « une séparation d’avec les autres gens autour de la personne qui écrit les livres. C’est une solitude. C’est la solitude de l’auteur, celle de l’écrit »[6]. De plus, je suis bien persuadé que beaucoup d’écrivains auraient décidé d'une autre destination si seulement on leur avait autorisé le moindre choix. Une destination moins finale, moins éprouvante pour les nerfs, je pense. Qui vous met votre ego bien à l'abri. Duras dit à Yann Andréa[7], que c'est curieux un écrivain, que c'est une ambiguïté, une contradiction. Que c'est muet. Un écrivain c'est quelqu'un qui souffre, ça oui ! Pour le reste, je ne sais pas. Je n'accepte pas de m'analyser. Mais souffrir, d'accord. J'accepte cette idée. Quelle type de souffrance ? Je ne sais pas non plus. A chacun la sienne. A chacun sa souffrance. C’est peut-être la souffrance de se voir au fond du trou et de savoir que seule l’écriture nous sauvera, qu’aucune autre main ne nous sera tendue.

Mais il y a surtout cette idée pour Duras que sa solitude, elle la doit moins à l’écriture qu’à la nature même du livre. On est seul le temps que le livre est non écrit. Seul devant les mots qui s’alignent sans idée fixe préalable. Puis seul devant le livre achevé qui, au moment où l’on calligraphie le mot « Fin », échappe aux mains mêmes de son créateur. « Il rejoint l’innocence indéchiffrable de sa venue au monde. »[8]Duras comprend que dans sa solitude, il y a quelque chose qui est de l’ordre du suicide. Impossible d’aller vers les autres. Impossible de les laisser venir. La solitude se partage avec ses personnages. Ceux-là, on ne les oublie jamais. Ils ne sont jamais regrettés. Pour le reste, Duras le constate sans amertume, « on est seul jusque dans sa propre solitude. » Sûrement est-ce le prix que l’écrivain doit payer « pour avoir osé sortir et crier. »[9]    












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