La cabane primitive

La cabane primitive ou les origines de l’architecture

Alain Douangmanivanh

par ⋅ Publié le jeudi 17 octobre 2002, mis à jour le lundi 29 mars 2004

Dans l’histoire de l’architecture, depuis Vitruve, et plus encore depuis les penseurs du siècle des Lumières, au nombre desquels figure notamment l’architecte jésuite Laugier, la cabane est l’archétype de la composition architecturale, la hutte primitive, l’habitat originaire.

Le mythe de la cabane primitive est cette légende qui permet d’expliquer comme « éternel présent », toute production architecturale. C’est à travers le récit du mythe sans cesse renouvelé du mythe de la maison primitive que se donne la définition de l’architecture. Le théoricien de l’architecture cherchera avant tout à démontrer les rapports qui lie sa théorie au mythe fondateur. A travers cette démonstration s’exprime en fait la position de l’architecte. De Vitruve à Le Corbusier, chacun a su se fabriquer sa propre démonstration.

On comprend davantage l’importance du mythe en architecture, lorsque l’on perçoit que le mythe de la cabane primitive apporte en fait une réponse aux trois questions permanentes de la construction : celle des ressources, celle de l’activité et celle du contrôle [1]. Comme le souligne, J.P Perron, c’est ainsi que la théorie de l’architecture est efficace à soutenir la pratique de l’architecte et qu’on peut voir dans la transformation de la légende, la transformation de la position de l’architecte.

L’abri préhistorique de Gideion

Il semble que les premiers habitats reconnaissables étaient des dépressions dans le sol, en forme d’auge ou de soucoupe. La forme primitive de la hutte était un cercle, forme qui est à la base de tant de symboles préhistoriques. Ainsi les huttes circulaires ou ovales apparaissent comme le type d’habitat primitif dans le monde entier. Selon Gideion, la maison de plan rectangulaire, tel que figure le plus souvent l’architecture mineure, est le résultat final de tentatives les plus variées.

La cabane de Vitruve

Chez Vitruve, et appuyée par la traduction de Perrault, nous retenons que la construction d’un abri résulte d’une œuvre spécifiquement humaine conditionnée par la maîtrise du feu par les hommes, le rassemblement en société, et l’habitat en un même lieu. De cette définition, l’habitat le plus primitif s’apparenterait à aux huttes de feuilles ou aux loges creusés dans les montagnes. L’intérêt que porte Vitruve à la cabane rustique est essentiellement lié à la possibilité qu’elle offre de légitimer certaines règles architecturales, règles qu’il transcrira dans ses dix livres d’architecture. La cabane rustique devient ainsi une sorte de garant dans la manière de légitimer certaines règles architecturales.

La cabane de Laugier

Le théoricien Laugier, après Vitruve, réinterprète le mythe de la cabane rustique en bois, donnée comme une origine végétale de la réflexion qui conduisit à l’idée des ordres chez les Grecs. Egalement la métaphore des vaisseaux d’arbres qui se forment en forêts, voire la structure osseuse des squelettes d’animaux, sont des exemples sollicités pour expliquer la structure légère, naturelle, des églises gothiques. La cabane de Laugier démontre ainsi les ordres en architecture « les pièces de bois élevées perpendiculairement nous ont donné l’idée des colonnes ; les pièces horizontales qui les surmontent, nous ont donnée l’idée de l’entablement ».

"Quelques branches abattues dans la forêt sont les matériaux propresà son dessein. Il en choisit quatre des plus fortes, qu’il élève perpendiculairement et qu’il dispose en carré. Au-dessus, il en met quatre autres en travers ; et sur celles-ci, il en élève qui s’inclinent et qui se réunissent en pointe des deux côtés. Cette espèce de toit est couvert de feuilles assez serrées, pour que ni le soleil ni la pluie ne puissent y pénétrer ; et voilà l’homme logé."Marc-Antoine Laugier, Essai sur l’architecture, éditions Duchesne, Paris, 1755, p. 9

La cabane primitive de Viollet Le Duc

La cabane primitive de Viollet Le Duc retranscrit la pensée constructive du gothique.« Epergos choisit deux jeunes arbres espacés l’un de l’autre de quelques pas. Se hissant l’un sur d’eux, il le fait courber par le poids de son corps, attire le sommet de l’autre à l’aide d’un bois crochu et , joignant ainsi les branches des deux arbres, il les lie ensemble avec des joncs. »(Histoire de l’habitation humaine).

La hutte primitive vue par Le Corbusier

D’une manière assez similaire à Vitruve, Le Corbusier cherche à travers l’étude de l’architecture primitive à trouver une certaine légitimité aux principes nouveaux qu’il cherche à prévaloir. D’autre part, l’évocation de la maison primitive permet à Le Corbusier d’énoncer comme dans un mythe l’affinité qui existe entre l’architecture et la nature. Comme l’écrit Jean Cuisenier, le propos n’est pas d’interpréter les données archéologiques ni de donner à l’homme primitif une figure et une situation historiques, mais de d’indiquer que le carré, l’hexagone et l’octogone, le rectangle et l’angle droit sont des moyens originaires de construire. En attribuant aux premiers hommes la pratique spontanée de la géométrie, le théoricien donne aux notions qu’il affectionne, l’ordre, le tracé régulateur et la modularité, la noblesse d’un fondement naturel et rationnel à la fois.

"Voici la maison primitive : là se qualifie l’homme : un créateur de géomérie ; il ne saurait agir sans géométrie. Il est exact. Pas une pièce de bois dans sa force et sa forme, pas une ligature sans fonction précise. L’homme est économe. [...] Un jour cette hutte ne sera-t-elle pas le Panthéon de Rome dédié aux dieux ?""Le Corbusier, Une maison - un palais, 1928, éditions Connivences, Paris, 1989, p. 38

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