Alphonse Daudet, grand admirateur et ami de Frédéric Mistral, a écrit en provençal ce poème dédié à la cabane camarguaise.
Pico à la porto emé si bano
Estre soulet dins la cabano
Tout soulet coumo un mas de Crau
E vèire pèr un pichot trau
Alin, bèn liuen, dins lis engano
Lusi li palun de Girau
E rèn ausi que lou mistrau
Picant la porto emé si bano,
Pièi de tèms en tèms li campano
Di rosso de la tour dòu Brau !...
Frappe à la porte avec ses cornes
Être tout seul dans la cabane
Tout seul comme un mas de Crau
Et voir par un petit trou
Là-bas, loin, dans les salicornes
Luire les marais de Giraud
Et ne rien entendre que le mistral
Frappant à la porte avec ses cornes
Puis de temps à autre les clochettes
Des chevaux de la tour de Brau !...
http://www.renaissance-saintoise.org/comments.asp?id=40
*La cabane
Mais c'est l'après-midi surtout que la cabane est charmante. Par nos belles journées d'hiver méridional, j'aime rester tout seul près de la haute cheminée où fument quelques pieds de tamaris. Sous les coups du mistral ou de la tramontane, la porte saute, les roseaux crient, et toutes ces secousses sont un bien petit écho du grand ébranlement de la nature autour de moi. Le soleil d'hiver fouetté par l'énorme courant sous un ciel bleu admirable. La lumière arrive par saccades, les bruits aussi; et les sonnailles des troupeaux entendues tout à coup, puis oubliées, perdues dans le vent, reviennent chanter sous la porte ébranlée avec le charme d'un refrain... L'heure exquise, c'est le crépuscule, un peu avant que les chasseurs n'arrivent. Alors le vent s'est calmé. Je sors un moment. En paix le grand soleil rouge descend, enflammé, sans chaleur. La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire toute humide. Là-bas, au ras du sol, la lumière d'un coup de feu passe avec l'éclat d'une étoile rouge, avivée par l'ombre evironnante. Dans ce qui reste de jour, la vie se hâte. un long triangle de canards vole très bas, comme s'ils voulaient prendre terre; mais tout à coup la tête de la colonne dresse le cou, remonte, et tous les autres derrière lui s'emportent plus haut avec des cris sauvages. Bientôt un piétinement immense se rapproche, pareil à un bruit de pluie. Des milliers de moutons, rappelés par les bergers, harcelés par les chiens, don t on entend le galop confus et l'haleine haletante, se pressent vers les parcs, peureux et indisciplinés. Je suis envahi, frôlé, confondu dans ce tourbillon de laines frisées, de bêlements; une houle véritable où les bergers semblent portés avec leur ombre par des flots bondissants... Derrière les troupeaux, voici des pas connus, des voix joyeuses. La cabane est pleine, animée, bruyante. Les sarments flambent. On rit d'autant plus qu'on est plus las. C'est un étourdisement d'heureuse fatigue, les fusils dans un coin, les grands bottes jetées pêle-mêle, les carniers vides, et à côté les plumages roux, dorés, verts, argentés, tout tachés de sang. La table est mise; et dans la fumée d'une bonne soupe d'anguilles, le silence se fait, le grand silence des appétits robustes, interrompu seulement par les grognements féroces des chiens qui lapent leur écuelle à tâtons devant la porte ... La veillée sera courte. Déjà, près du feu, clignotant lui aussi, il ne reste plus que le garde et moi. Nous causons, c'est-à-dire nous nous jetons de temps en temps l'un à l'autre des demi-mots à la façon des paysans, de ces interjections presque indiennes, courtes et vite éteintes comme les dernières étincelles des sarments consumés. Enfin le garde se lève, allume sa lanterne, et j'écoute son pas lourd qui se perd dans la nuit..." |
http://aiguesmortes.free.fr/daudet.htm
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*En Camargue
1 comentario:
C'est jolie ça! Merci de comentar sur mon blog de souvenirs daudetiens.
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