Marcel Pagnol |
Moulin d’Ignières |
Quand Pagnol aimait le moulin d’Ignières à Parcé-sur-Sarthe
Frédérique Bréhaut
À Parcé, on l'appelle « le moulin de Pagnol ». Un surnom qu'Ignières tient de son célèbre propriétaire, entre 1930 et 1951. Thierry Dehayes, enseignant au Mans, revient pour nous sur cette jolie histoire.
«Un jour de 1947, un reporter est venu le voir à Ignières. Avisant un bonhomme qui bricolait sous sa camionnette, il lui demanda s'il pouvait parler à Marcel Pagnol. L'homme glissa de dessous le véhicule, tout noir de graisse, et lui dit : « Vous venez de le faire. » »
Qui pouvait imaginer alors, que derrière l'académicien, l'homme des grands honneurs, adulé et encensé par le Tout-Paris, se cachait un homme aussi simple, délicat et humble. Pourtant, c'est bien le souvenir que Marcel Pagnol a laissé à Parcé, quand il venait s'y mettre au vert, loin des mondanités de la capitale.
Dans son Marcel Pagnol, lieux de vie, lieux de création, tout récemment ressorti aux éditions Équinoxes, Thierry Dehayes, enseignant au lycée Sainte-Croix-Saint-Charles, du Mans, et Provençal de coeur, consacre tout un chapitre aux séjours sarthois de Marcel et Jacqueline Pagnol. Certains souvenirs lui ont d'ailleurs été directement confiés par Jacqueline, qui habite toujours en région parisienne et avec laquelle il s'est longuement entretenu. « Marcel Pagnol est venu une première fois dans la Sarthe, en 1929, à l'invitation de Raymond Boulay, explique Thierry. C'était un de ses amis qui programmait ses pièces à l'Alhambra de Lille et qui avait une propriété à Malicorne. Marcel y était venu avec sa compagne de l'époque pour se reposer. Au cours d'une de leurs balades - Pagnol marchait beaucoup - ils sont tombés sur le moulin d'Ignières, à Parcé-sur-Sarthe. » Or, l'année suivante, Ignières est à vendre. L'écrivain « qui a toujours été fasciné par l'eau, dont il avait pourtant peur », en devient le nouveau propriétaire. Dès lors, Ignières devient pour les Sarthois « le moulin de Pagnol ». Un surnom qu'il porte toujours.
Ignières est une respiration pour l'homme de lettres en proie au doute. « Il avait écrit Marius pour se distraire, mais lui, il voulait être Rostand, explique Thierry Dehayes. Or Marius va marcher au-delà de tout ce qu'il pouvait imaginer. Les droits sont achetés par la Paramount. Et là, lui vient l'angoisse de la page blanche... » Et le besoin de se retirer... C'est ainsi qu'il écrit une partie de Fanny, dans la Sarthe, comme en témoignent plusieurs lettres dont une, écrite d'Ignières, à Jean Giono.
Dans le livre de Thierry Dehayes, Jacqueline Pagnol explique ce qui avait attiré son mari dans la Sarthe : « La fraîcheur et la beauté de la forêt, se souvient-elle. Le moulin se situe près de la rivière Sarthe qui est magnifique. Marcel a trouvé que c'était un lieu de repos et de détente merveilleux. Et le petit village tout proche de Parcé est charmant. [...] Il était très attiré par le foisonnement, la magnificence des forêts de la Sarthe. »
La Sarthe ne sera pas seulement un lieu de villégiature pour Marcel Pagnol. Il y tourne un film : Le gendre de Monsieur Poirier pour lequel « il avait fait construire une fausse façade d'hôtel particulier entre Parcé et Malicorne », et adapte Léopold le Bien-Aimé de Jean Sarment. La réalisation est confiée à Arno-Charles Brun, mais le tournage a lieu à Ignières et à Parcé.
À la Libération, Pagnol est à Parcé
Marcel et Jacqueline Pagnol vont vivre des moments très forts à Ignières, comme l'arrivée des Américains à Parcé, en août 1944. Ils y reçoivent aussi des amis comme Fernandel - dont le chien est enterré dans la propriété sarthoise des Boulay - Marcel Achard ou Michel Simon...
Et puis, dans la Sarthe, Marcel s'adonne pleinement aux joies du bricolage, dont il raffole. « Il n'arrêtait pas ! assure Thierry. Les oeillets d'Ugolin, il a réellement essayé de les planter ! C'était pendant la guerre. Car il ne voulait pas tourner pour les Allemands et ne pouvait plus vivre de son métier. Mais il a aussi fabriqué des sous-marins, des bagnoles à trois roues... Et quand un ouvrier venait travailler au moulin, il restait derrière lui. Non pas pour le surveiller mais pour regarder comment il faisait. Il avait cette intelligence d'être constamment ouvert à l'autre. »
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